Paru dans la rubrique L’Invité de la Tribune de Genève, le 11 septembre 2020

L’invité – Notre espace est l’otage de lois passéistes | Tribune de Genève (tdg.ch)

Réduire de 60% les émissions de CO2 d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 à Genève: l’objectif est aussi colossal que sa réalisation nécessaire. Pour y parvenir, il faudra mettre l’accélérateur sur la rénovation du patrimoine bâti, planter massivement, dégoudronner la ville, donner la priorité à la mobilité douce… Si les marges de manœuvre sont nombreuses, les freins à leur réalisation le sont également. Le 27 septembre, les Genevois-e-s ont l’occasion de débloquer l’un deux en acceptant de réformer le stationnement, pour enfin mettre en œuvre la loi sur la mobilité cohérente et équilibrée plébiscitée à 68% en 2016.

Car la mise en œuvre de cette loi, soit la création notamment de pistes cyclables ou d’îlots piétonniers, bute aujourd’hui sur d’autres dispositions légales, datant de 2012, qui veulent que toute place de stationnement supprimée en surface soit compensée dans un rayon proche, empêchant toute évolution de l’espace public. La droite, aujourd’hui largement favorable à cette réforme, avait alors importé un compromis zurichois, jugé historique en 1996. Or, si ce principe de compensation portait Outre-Sarine sur 7500 places, Genève est allé beaucoup plus loin en gravant dans le marbre… 22’289 places de parking!

La votation du 27 septembre est d’autant plus cruciale pour notre municipalité que c’est sur son territoire, ainsi que sur celui de Carouge, que se trouvent les 22’289 places concernées (sans compter le stationnement privé). Il s’agit de corriger une rigidité passéiste, incompatible avec la mise en œuvre des objectifs de végétalisation et de durabilité qu’attendent les Genevois-e-s.

Il n’y a pas d’acharnement contre la voiture, et encore moins une mise en danger des commerces locaux, contrairement à ce que laissent entendre les vociférations de quelques-un-e-s. La modification de la loi permettra simplement d’augmenter la possibilité de compenser en sous-sol, par des places existantes et sous-utilisées, celles supprimées en surface. La loi actuelle permet déjà de le faire pour 0,5% des places concernées par an. Si les Genevois-e-s disent oui le 27 septembre, ce pourcentage augmentera à 1,5%.

L’autre volet de la votation concerne directement la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée. Celle-ci prévoit la possibilité de déroger à l’exigence de compensation (entre 10% et 20%), mais sous des conditions si strictes, âprement négociées à l’époque, que tout recours à cette dérogation s’avère impossible dans la pratique. Il s’agit aujourd’hui d’adoucir, un peu, ces conditions.

2030, c’est demain. Il est urgent de faire de la place aux piéton-ne-s, aux modes de déplacement doux, qui permettent de faire baisser les nuisances en ville. Il est urgent de reconsidérer la place laissée aux arbres, pour faire face aux îlots de chaleur. L’espace, qu’il va falloir libérer pour parvenir à un véritable changement de paradigme, est un bien trop précieux pour être pris en otage par des lois passéistes.