Mesdames, Messieurs,

Les terribles images d’incendies qui ont dévoré, aux quatre coins du monde, des millions d’hectares de forêts et emporté avec eux bien trop de vies humaines, auront marqué ce nouvel été caniculaire. Plus près de chez nous, à une échelle moins terrifiante mais faisant état malgré tout d’événements météorologiques extrêmes en accélération, la Chaux-de-Fonds a connu en juillet une tempête sans précédent. Notre rentrée du mois d’août aura été marquée par des chaleurs telles que pour la première fois, les élèves genevois ont été dispensés de cours en raison de la chaleur. Et puis ce phénomène encore plus inquiétant mais dont on a peu parlé encore : depuis le mois de mars, les températures de l’océan Atlantique et de la Méditerranée s’envolent pour atteindre des records de chaleur.

Chaque été, les avertissements des expertes et experts du GIEC se matérialisent de manière très concrète: le changement climatique frappe la planète de plein fouet et bien plus rapidement que prévu. Le mois de juillet a ainsi été le mois le plus chaud jamais enregistré sur Terre, avec une température moyenne mondiale de 1,5 degré au-dessus des niveaux préindustriels.

Ce chiffre de +1,5° degré n’est-il pas hautement symbolique ? Il l’est certainement, puisqu’il constitue la limite la plus ambitieuse fixée par l’Accord de Paris pour réduire considérablement les impacts du changement climatique. Si cet Accord fait référence à un réchauffement sur le long terme, le franchissement de ce seuil pour le mois de juillet constitue néanmoins un sérieux signal d’alarme : nous devons changer de cap, en urgence.

Oui, il y a urgence. Et à celles et ceux qui nous disent que finalement, avec 2° de plus, nous aurons simplement le climat des Pouilles ou du sud de l’Espagne, je réponds que ce message est certes rassurant, mais qu’il est malheureusement avant tout démobilisateur et qu’il justifie certains messages de l’UDC ou des milieux climatosceptiques que nous devons contrer. Car dans le sud de l’Espagne, nous en sommes aujourd’hui à la 4e vague de l’année, avc des pointes à 45° et que le combat de demain est d’éviter un réchauffement à 4-6° de plus, qui supposerait des pics à plus de 50° dans nos villes.

Face à cette réalité, nous avons toutes et tous les moyens d’agir. Les collectivités publiques sont bien sûr en première ligne : elles ont la responsabilité de mettre en œuvre des mesures climatiques volontaristes. Pour y parvenir, la Ville de Genève s’appuie sur la Stratégie climat qu’elle a adoptée pour les années à venir.

Mais les citoyennes et citoyens peuvent également s’engager à leur niveau, en adoptant de nouveaux réflexes en matière de déplacement, de consommation ou d’alimentation, qui permettent d’amorcer la transition écologique. Dans ce cadre, certaines et certains ont une marge d’action plus importante encore : en Suisse, les 10% les plus riches polluent davantage que la moitié de la population au revenu le plus modeste. Au-delà de leur mode de vie, leur grosse voiture ou leur jet privé, la manière dont les personnes très riches investissent leur fortune a une incidence considérable sur le climat. En 2021, Greenpeace et Oxfam ont ainsi montré que le patrimoine financier des 63 milliardaires français émettait autant de gaz à effet de serre que celui de la moitié de la population française.

Par ailleurs, et comme le met en lumière le conférencier de ce soir, Édouard Morena, dans son essai « Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise climatique », les élites économiques ont une vraie influence sur le débat climatique. Pour préserver leurs intérêts, elles prônent depuis une vingtaine d’années, comme unique solution face à la crise climatique, le remplacement du capitalisme fossile par le capitalisme vert ; autrement dit, des solutions fondées sur la technologie et des mécanismes de marché. Or, qu’il soit prétendument vert ou non, c’est bien le modèle capitaliste qui nous a conduit dans l’impasse; un modèle éculé, qui promeut le profit infini, la consommation à outrance et plus largement l’argent comme valeur ultime.

L’une des illustrations les plus absurdes de ce dogme économique est certainement que, loin de questionner le modèle de véhicule motorisé individuel, il suggère qu’acheter une voiture électrique permet de sauver la planète. Or, aujourd’hui, la moitié des véhicules électriques vendus dans le monde sont des SUV, dont la production – qu’elle soit thermique ou électrique – est loin d’être bénéfique pour notre environnement.

Face à l’expansion de ce discours dominant, il est essentiel de rappeler l’existence de visions de développement alternatives, et de replacer au centre des discussions la question de la justice sociale. Car la transition écologique ne pourra se faire sans une plus grande équité entre les individus. Plus que jamais, il est donc indispensable de favoriser le débat démocratique et de discuter de manière collective des différents projets de transition, afin de susciter une large adhésion. Et n’oublions pas que les moins responsables des changements climatiques en sont les plus vulnérables.

Je voudrais remercier le festival Alternatiba. Depuis neuf ans, il constitue en effet un espace essentiel de mise en commun des compétences, des idées et des savoir-faire en matière de transition écologique, et contribue, année après année, à définir des solutions pour construire ensemble une société plus durable. Je salue ce soir l’ensemble de son équipe pour son travail et sa mobilisation sans faille, ainsi que toutes les organisations et les personnes inspirées qui participent à cette manifestation essentielle. Essentielle, car elle représente une certaine forme d’action, et que l’action, c’est avant tout l’espoir. Pour paraphraser Gramsci, face au pessimisme de l’intelligence, opposons l’optimisme de la volonté.

Je vous remercie pour votre attention et vous souhaite une excellente soirée.